B Corp chez Danone : La RSE est un asset stratégique d’entreprise

Écrit par Fabrice Schwalm, le 13 janvier 2022

Des intentions à l’action, les démarches RSE entrent aujourd’hui dans une nouvelle phase de maturité.
Gian Maria Bruno présente la démarche B Corp lancée chez Danone. Bien plus qu’une labellisation, B Corp est pour Danone un véritable asset stratégique d’entreprise, un accélérateur de transformation et la marque d’une appartenance à une communauté agissante pour le bien commun de la société.

B Corp, un asset stratégique de l’entreprise

B Corp est un label RSE international indépendant. Il distingue les entreprises qui démontrent par les faits leurs pratiques à impacts positifs. Cinq domaines sont évalués pour obtenir le label :

  • Éthique, responsabilité et transparence de la gouvernance;
  • Bien-être financier, physique, professionnel et social des collaborateurs;
  • Impact social et économique sur les collectivités ;
  • Gestion environnementale globale et développement durable ;
  • Création de valeur responsable pour les clients.

Danone a été l’un des premiers grands groupes dans le monde à s’engager dans le mouvement B Corp.

A ce jour, plus de 50 % des ventes mondiales de Danone sont couvertes par la labellisation B Corp. L’ambition de l’entreprise est de labelliser 100% des entités du groupe à horizon 2025.

Fait remarquable, la décision d’anticiper l’ambition de certifier tout le groupe de 2030 à 2025 a été prise en pleine crise sanitaire. Derrière l’acte de courage managérial, il s’agit d’un engagement d’évidence pour une entreprise qui met la santé au cœur de sa devise et de sa mission sociétale : « One planet, one health ».

La RSE est dans l’ADN de l’entreprise depuis toujours. Son fondateur Antoine Riboud a impulsé cet esprit il y a cinquante ans, lorsqu’il a ancré le double projet dans la culture de l’entreprise.

Loin donc d’être un engagement d’affichage, B Corp se gère aujourd’hui comme un véritable asset stratégique d’entreprise, un capital clé indispensable à la croissance et à la bonne santé de l’entreprise.

Un outil pour grandir et se transformer

Bien plus que le label qu’il incarne, B Corp est pour Danone un outil qui l’aide à grandir et à se transformer.

La labellisation n’est pas un but en soi, elle est un moyen. La valeur de B corp pour un directeur d’entité est avant tout de répondre à la question : « Comment puis-je améliorer mes pratiques à impact positif ? ». Compléter l’audit en cherchant à gagner des points pour gagner des points et ne viser que le tampon final n’est absolument pas le but recherché. B Corp est une démarche d’amélioration continue.

Le label ne représente qu’une part mineure de la valeur générée. La vraie valeur de B Corp se matérialise avant tout dans l’énergie que sa mise en mouvement déclenche dans toute l’entreprise.

Trois mots sont spontanément venus à Gian Maria Bruno pour qualifier l’initiative B Corp de Danone : Responsabilité - Fierté - Communauté.

  • Responsabilité : Les grandes multinationales ont un rôle fondamental à jouer pour tirer le mouvement sociétal. Acteurs commerciaux importants et donneurs d’ordre influents, les grands groupes ont un devoir d’exemplarité.
  • Fierté : Les collaborateurs impliqués sont fiers de consacrer de l’énergie à un mouvement à impact positif.
  • Communauté : Le sens de la communauté est un marqueur fort de l’esprit B Corp. Une communauté très active vivifie la démarche dans l’entreprise.

Un dispositif décentralisé

Le dispositif B Corp mis en place par Danone est décentralisé.

A l’image d’un réseau de neurones, le dispositif B Corp de Danone est organisé en équipes autonomes très connectées, indépendantes de l’organigramme hiérarchique.

Les directeurs d’entité ont pour objectif de se faire labelliser (c’est un objectif stratégique de l’entreprise). La question pour eux est de décider, en coordination avec l’équipe centrale, du meilleur moment choisir au regard de leur contexte conjoncturel et de leur capacité à faire.

Chaque pays constitue sa propre équipe ad hoc (8-10 personnes), animée par un référent B Corp leader. L’équipe B Corp locale porte la coordination du volet technique de la labellisation. Elle est en très forte connexion avec les fonctions de l’entité impliquées par le sujet : RH, marketing, communication, opérations.

Les B Corp leaders sont des collaborateurs internes issus des métiers. Le profil de B Corp leader varie d’entité en entité. Ils viennent majoritairement de l’équipe sustainability ou general secretary, parfois de la DRH. L’équipe B Corp centrale se charge de gérer « l’onboarding » et de les former.

Trois personnes animent la démarche en central. En plus de son soutien méthodologique, l’équipe centrale a un rôle clé de coordination, de sécurisation de la roadmap, d’impulsion de l’émulation collective, de communication, de transmission du sens (surtout au début), de création et d’entretien des liens entre les communautés.

Une grande source de satisfaction pour l’équipe centrale est de voir les initiatives terrain partir toutes seules lorsque les équipes locales comprennent la potentialité.

Un processus d’audit bien maîtrisé

L’audit BIA (B Impact Assessment) est un moment important de la démarche B Corp.

Il est réalisé sous l’autorité du Standard’s Trust de B Lab. Gian Maria Bruno insiste sur le fait que se faire auditer par un tiers externe indépendant est fondamental. En effet, la démarche devient de fait opposable et donc crédible, tant en externe qu’en interne.

Le questionnaire est exigeant et chaque audit dure entre 4 mois et 12 mois selon la taille de l’entité et son niveau de maturité sur les sujets de RSE.

Chez Danone, les audits se font par thématique. Pour répondre aux questions et produire les documents justificatifs requis (il y en a beaucoup), le B Leader de l’entité locale sollicite les experts métiers concernés par les sujets à traiter : sustainability, RH, opération…

Seulement 10 à 15% des réponses sont « corporate » et peuvent être directement transposées au niveau local.

Une personne de l’équipe centrale vérifie systématiquement les BIA de toutes les entités. Si l’entité n’arrive pas à atteindre un seuil d’éligibilité raisonnable, un point de vigilance est porté à l’attention du Codir local pour action.

Le processus est désormais bien maîtrisé. En effet, jamais aucune entité n’a échoué lors du passage de l’auditeur du B Lab.

Le supplément d’âme d’une émulation communautaire

Ce taux de réussite s’explique pour une large part par un engagement de conviction. Également, par une forte mobilisation de tous les acteurs impliqués.

Deux exemples témoignent de cette implication :

  • Au démarrage de l’initiative B Corp en 2015, le nombre de dirigeants locaux candidats à lancer leur entité dans la démarche de certification a largement dépassé la capacité d’accompagnement de l’entreprise.
  • Au lancement d’une démarche de certification dans une entité aux UK, le manager général a fait appel à bonne volonté des collaborateurs. Il reçoit l’intérêt spontané de 75% de salariés prêts à faire partie de l’équipe.

Une communauté active s’est fédérée autour de B Corp dans toutes les entités du groupe à travers le monde.

Il s'agit d'une inflexion stratégique majeure de l’entreprise. De fait, tous les salariés, dans tous les pays, ont entendu parler de B Corp.

Une plateforme media social interne de type Facebook, compte aujourd’hui plus de cinq mille personnes. L'équipe centrale l'anime et alimente régulièrement son contenu. Chaque membre de la communauté est libre d’initier une discussion et de publier son propre article. C’est un espace très vivant.

Un autre groupe, plus technique, fédère les B Corp leaders. Retours d’expérience, soutien entre pairs, trucs et astuces y sont partagés. Une grande émulation collective émane de cette dynamique communautaire.

Des impacts et des opportunités business réels

« Tout cela est très bien », pourraient objecter certains. « Mais au bout du compte, quels sont les impacts sur le chiffre d’affaire de l’entreprise ? + 1%, +2%, + 10%...? ».

Pourtant, pour Gian Maria Bruno, aborder la question ainsi n’est pas le bon angle. Chercher à établir une corrélation causale directe entre B Corp et le chiffre d’affaire est même réducteur. Le bon angle est de se demander en quoi et comment B Corp peut contribuer à ouvrir de nouveaux champs d’opportunités. Que ce soit pour le business, en soutien, ou en développement. Vue par ce prisme, l’entreprise s’ouvre à la possibilité de faire émerger des opportunités pour le business aussi.

Plusieurs impacts positifs sont notables, aux premiers rangs desquels :

  • La réputation de l’entreprise crédibilisée par la labellisation d’un tiers, les clients y sont de plus en plus sensibles ;
  • Les référencements produits, B Corp offre des opportunités nouvelles de s'engager avec les distributeurs, nous commençons à voir des plateformes de e-commerce auxquelles vous ne pouvez accéder que si vous êtes B Corp ;
  • Des facilités offertes et des portes qui s’ouvrent avec des parties prenantes, des taux d’intérêts bancaire avantageux indexé à une labellisation par exemple ;
  • L’image de marque employeur, l’attraction des talents, la fidélisation des collaborateurs.

Convertir ces impacts en résultat sonnant et trébuchant directement imputable à B Corp est en pratique difficile. B Corp est un facteur contributif parmi d’autres (efficacité commerciale, productivité usine...). Pour autant, la contribution de B Corp à la valeur n’en est pas moins réelle, tangible, voire même, parfois, déterminante.

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