La Carmacracy : une Holacratie sur mesure chez GRDF

Écrit par Sarah Spitz, le 30 janvier 2019

La CARMA avait commencé petit : une poignée de projets, sur lesquels travaillaient 4 ou 5 personnes. Forts de leur succès et des excellents retours utilisateurs, l’équipe s’est rapidement agrandie… au bout de la 3ème année, à 100 personnes ! Cette équipe plutôt jeune (la majorité des membres ayant entre 28 et 30 ans) est composée en majorité de développeurs, mais on y trouve aussi plusieurs Scrum Masters, des coachs, et quelques experts UX-UI.

Ils ont d’abord expérimenté une organisation en squads (à la Spotify). Mais au-delà de la barre des 50 membres, l’équipe a ressenti le besoin de passer au niveau supérieur. Un des coachs, qui avait entendu parler de l’Holacracy, en a parlé à l’équipe qui s’est rapidement mise d’accord pour tester. En effet, le modèle holacratique a vite été perçu comme le meilleur moyen de préserver l’autonomie des équipes et les valeurs agiles. Le responsable de la CARMA a donné son feu vert, et l’équipe s’est lancée dans le grand bain !

Je suis désormais incapable de retourner dans un mode classique, tout comme la plupart des gens avec qui je travaille - Capucine, Scrum Master au sein de la CARMA

Adapter le modèle holacratique à leurs spécificités leur tenait à cœur : ils ont fait le choix de ne pas être accompagnés et de s’approprier l’Holacracy. Ce dernier point est, soit dit en passant, exactement le but de l’Holacracy : contrairement à ce qu’on peut entendre un peu partout, ce n’est pas un modèle d’auto-gouvernance en soi mais bien un cadre permettant à l’organisation de développer son propre modèle d’auto-gouvernance, et ses propres règles. C’est ainsi que Carma est devenue… une Carmacracy.

Commençons par le commencement holacratique : la raison d’être. Pour la CARMA, elle se formule ainsi : « optimiser la création de valeur chez GRDF et diffuser la culture agile ». Ce qui n’est pas une tâche facile : on se rapproche de la notion d’agilité à l’échelle, qui se câble sur des projets indépendants les uns des autres tandis que le reste du programme est en cycle en V.

Très rapidement, des cercles se montent : au début, il n’y en avait que 3 ou 4, en plus du super cercle composé de 5 personnes (dont le responsable de la CARMA). Un cercle Agile, un cercle UX, un autre Technique… Ils ont ensuite mis en place des réunions de triage, toutes les deux semaines (et non pas toutes les semaines comme le recommande Brian Robertson), et des réunions de gouvernance. L’ensemble des Squads sont ensuite devenues des cercles. Aujourd’hui, il y en a 18, chacun ayant une mission donnée par le super cercle, un premier et un deuxième lien, et des redevabilités claires. Le premier lien représente les besoins du super cercle dans chaque cercle. Le second lien, lui, fait l’inverse : il représente son cercle dans le super cercle. L’équipe essaye de ne pas dépasser le nombre de 10 membres par cercle : bien entendu, une personne peut faire partie de plusieurs cercles à la fois.

Une des difficultés liées à l’organisation en cercles est la communication entre eux. Leur solution à ce jour : une réunion inter-cercles tous les lundis. L’ensemble des premiers liens se réunissent, les membres du super cercle descendent les informations générales de GRDF pendant un quart d’heure. Puis, 15 autres minutes sont dédiées aux premiers liens qui évoquent les sujets importants du moment. Ils se servent beaucoup du management visuel lors de leurs réunions (pour une équipe d’agilistes, vous me direz, ce n’est pas très étonnant).

D’autres difficultés, quant à elles, n’ont pas disparu comme par magie. La culture agile de la CARMA s’inscrit dans un environnement non-agile. Le modèle reste fragile : son fonctionnement holacratique peut être perturbé par le stress et les pressions financières extérieures qui ont un effet boule de neige sur les équipes de la CARMA. Ainsi, il est arrivé que les responsables de la CARMA, qui jouent ce rôle d’interface (pas facile) entre la CARMA et le management de GRDF, aient par exemple, commencé à dire aux scrummasters comment ils devaient travailler, rendant de ce fait la pression contagieuse. Néanmoins, la Carmacracy a su faire remonter ces tensions au super cercle pour signaler ce risque, et chacun a réussi à prendre le recul nécessaire pour préserver le modèle.

On s’est beaucoup serré les coudes dans les cercles, on a fait notre job et on a attendu que la tempête soit finie - Capucine, Scrum Master au sein de la CARMA

Les impacts de la mise en place de ce fonctionnement ? Ils sont nombreux !

Premièrement, au sein du cercle Scrum Masters auquel appartient Capucine. Grâce à la réunion de triage par exemple, la résolution de problème participative a enrichi les projets et nourri les participants. Une vraie dynamique de test and learn s’est diffusée : la montée en compétence s’est accélérée notamment grâce à une forte entraide. Il s’est en effet développé un très fort sentiment d’appartenance à la fois au cercle et à la CARMA dans son ensemble. D’ailleurs, une grande partie des prestataires, externes donc, ont tendance à se présenter naturellement comme membres de CARMA, et non comme prestataires !
Toutefois, comme souvent, le modèle n’est pas parfait et des axes d’amélioration restent à trouver. Par exemple, la réunion de triage du cercle des développeurs fonctionne moins bien que pour le cercle des Scrum Masters par la nature et l’urgence des sujets à traiter, ce qui est propre au métier même des développeurs.

Le ressenti de l’équipe est très positif : un quart d’entre eux déclarent être très contents et satisfaits de ce nouveau fonctionnement, la majorité est satisfaite même si moins motrice, et une petite minorité en tire finalement un bilan neutre.