La force de l'intention à Montréal

Écrit par Emmanuel Lavergne, le 20 février 2019

L’Espace pour la Vie est l’institution la plus visitée de Montréal et une des organisations publiques les plus rentables, avec 70% de croissance des résultats, une dynamique de création et un engagement des équipes qui ne cessent pas. La Ville de Montréal, qui en assure la tutelle, ne s’attendait probablement pas à un tel succès lorsqu'elle a confié il y a quelques années à Charles-Mathieu Brunelle, l’actuel directeur, la mission de regrouper dans une vision commune ces quatre organismes : Insectarium, Planétarium, Jardin Botanique et Biodôme. Chacun différent, chacun avec une forte identité, tous fortement syndiqués. Comment est-ce que Charles-Mathieu s’y est pris pour que cette fusion fonctionne ? 

Une vision originale du changement

Pour Charles Mathieu, conduire le changement n’a pas de sens. L’enjeu ne serait donc pas tant de développer l’agilité mais d’arrêter de fixer. Pour lui, c’est le principe de la vie qui conduit à un changement continuel.

Nous passons notre temps à fixer les choses, les repères, les normes, les processus dont nous devenons ensuite prisonniers. - Charles Mathieu

Les marins le savent, quitter les repères amène à changer pour un repère plus lointain, celui du sens, de la prévision. Sans un nouveau repère, dit Charles Mathieu, on ne fait que reproduire et donc fixer. Pour cela il faut en revenir à la force de l’intention et à sa profondeur.

Si changer de cap est souvent compliqué pour chacun, ça l'est davantage encore pour des organisations entières ! Charles-Mathieu parle de l’ego des organisations. Comme pour les personnes, cet ego, c’est celui qui les conduit à rester dans leur zone de confort, à refuser de prendre le risque de trébucher devant les autres, à se complaire dans leur aura présente quitte à oublier leur futur. Cet ego fournit un équilibre, mais cet équilibre rend statique. Or le changement introduit un déséquilibre. Nous le savons bien dans le coaching ou les recadrages ou confrontations entraînent un déséquilibre que le coach doit susciter et accompagner, mais qui fait progresser le coaché sur des terrains qu’il n’imaginait pas. En cela le leader est un coach de son organisation.

Croiser les mondes pour décaler le regard

Vous connaissez bien sûr le Cirque du Soleil, un des grands noms de Montréal. Avec l’appui du Centre de créativité Mosaic de HEC Montreal, Charles-Mathieu a accueilli plusieurs mois des artistes du cirque, pour les mettre en contact avec les scientifiques. Démarche très inhabituelle, qui a généré beaucoup de perplexité au départ. A ce moment, seule la présence auprès des scientifiques comptait, aucun objectif de résultat opérationnel n’était exigé. Le véritable objectif : décaler le regard, sortir des repères fixes pour élargir le champ des possibles, arrêter de fixer. Période tendue parfois, mais tensions emportées par l’aura du Cirque à Montréal. Quant aux artistes, leur curiosité naturelle, leur créativité et leur sensibilité n’avaient guère besoin de consignes pour être mises à profit.

De la confiance à la fierté

Pour arriver à ce résultat, il fallait la confiance des équipes ! Dès son arrivée, Charles-Mathieu a travaillé avec les six cents collaborateurs, qu'il a reçus quatre par quatre, pour « écouter, prendre des notes, comprendre ». Le contact avec le dirigeant est essentiel pour la confiance. Ensuite, souvent tous ensemble, avec pour but de mélanger les quatre organismes avant de remettre l’intention au cœur de la vision.

Ce que la chenille appelle la fin du monde le sage l’appelle un papillon. - Richard Bach

Lorsque le feu de transformation semblait prêt à prendre, Charles-Mathieu a choisi une réunion de deux jours avec toutes les équipes. Une première journée particulièrement difficile, en dépit du travail réalisé en amont, qui pour l’accompagnateur de HEC Montréal, sent alors le vent de l’échec. Nuit probablement difficile pour Charles Mathieu, dans la solitude de nombreux dirigeants. Un lendemain radieux, par l’intuition fulgurante de Charles-Mathieu, avec une question imprévue qu’il pose alors aux 600 salariés présents : « Qu’est-ce qui fera que vos enfants seront fiers de ce que vous avez fait ici ?"

A la fin de la journée, était née l’intention commune, une nouvelle vision. Avec « Reconnecter l’homme avec la nature ! », la force de l'intention s'est substituée à l'ego des quatre organismes jusqu’alors indépendants, et la grande majorité s’est trouvée dans ce slogan qui claque comme un signe de ralliement

Depuis, avec cette vision commune "Reconnecter l'homme avec la nature", l'histoire se poursuit. Un exemple : en supprimant les bouteilles d'eau minérale en plastique, le chiffre d'affaires a augmenté, même si l'eau du robinet est gratuite au Québec ! Comme me le dit une autre Québécoise : "Vision, Mission Passion !" Et l’Espace pour la Vie a depuis augmenté son CA et ses résultats de 66% et avec deux millions de visiteurs par an fait partie des destinations de choix à Montréal. Bien évidemment, à l’intention s’ajoutent la rigueur de gestion et le leadership. La vie c’est le changement !

 

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