Le Tinder de la rémunération

Écrit par Hugo Chatel, le 09 avril 2018

La question de la reconnaissance et de la rémunération est toujours épineuse… Elle l’est d’autant plus lorsqu’on travaille à distance et en pleine autonomie. Comment faire, dans ces conditions, un feedback représentatif et ajuster les primes salariales de manière juste et transparente ? Les 60 collaborateurs de HE:Labs répondent à ce casse-tête d’une manière assez originale…  

 

Toute l’équipe est d’accord : leur système traditionnel de révision des rémunérations et d’évaluation des primes doit changer. Comme le dit Sylvestre, fondateur d’HE:labs, si les salariés sont en charge de négocier eux-mêmes leurs augmentations directement avec l’équipe RH, ils ne sont alors pas rémunérés en fonction de leur valeur mais en fonction de leurs talents de négociateurs…

Pour que les évaluations soient représentatives, il faut qu’elles soient faites par les personnes avec qui chacun travaille tous les jours. Et si les rémunérations sont indexées sur ces évaluations, elles seront nécessairement plus justes !

Aussitôt dit, aussitôt fait. L’équipe s’attelle à définir leur nouveau système d’évaluation et de rémunération basé sur le peer review. Il se fera en deux étapes.

D’abord : la collecte de feedback. Tous les 3 mois, chaque collaborateur doit révéler au moins un collègue avec qui il/elle a travaillé pendant la période précédente. En plus d’une évaluation quantitative, le collaborateur peut aussi ajouter des commentaires textuels constructifs pour aider la personne évaluée à progresser. L’objectif de ces feedbacks est de partager avec ses collègues son avis personnel sur leur apport à l’entreprise commune et de dégager des axes d’amélioration. L’une des questions posées porte sur la rémunération : « Je pense que cette personne devrait gagner plus, autant, ou moins que moi ».

Pour éviter les tensions autant que les non-dits, ils choisissent de laisser la possibilité aux collaborateurs de faire leur évaluation de manière anonyme. Ils pensent qu’ainsi toute critique (aussi bien positive que négative) sera communiquée pendant ce process de feedback collaboratif.

La récolte de ces évaluations se fera sur une application développée en interne - c’est l’avantage d’être un cabinet de conseil en IT avec les compétences nécessaires pour développer des applications maison !

Ensuite, l’évaluation des rémunérations. En se réunissant physiquement tous les 6 mois, les fondateurs d’HE:labs peuvent s’appuyer sur deux sessions de feedback annuelles pour décider d’accorder des augmentations salariales ou non. Mais attention, on vous voit venir d’ici : les feedbacks ne sont pas pour autant sacrés et ils restent un indicateur avant tout : ils ne peuvent pas déclencher de baisses salariales, par exemple.

Si ce système fonctionne bien, un an plus tard quelques améliorations se rendent nécessaires. Naît alors l’application APPRAISE. Inspirée du système de swipe de Tinder, les feedbacks ne se font désormais plus tous les 3 mois mais tous les 4 mois, et on ne doit plus évaluer un collaborateur au minimum mais bien tous les collaborateurs en les swipant à gauche ou à droite. Par exemple sur la question de la rémunération, vous swipez à droite si vous considérez que votre collaborateur doit gagner plus, et à gauche dans le cas contraire. Vous pouvez toujours faire un commentaire textuel plus détaillé. Ainsi les feedbacks sont plus représentatifs du ressenti de l’ensemble de l’entreprise.

Cependant, tous les employés ne collaborent pas forcément ensemble de manière récurrente. C’est pourquoi à la fin du feedback apparaît une dernière question : « A combien de % suis-je sûr de ce que j’ai mis ? ».

Un algorithme se charge ensuite d’établir un classement qui sera visible par tous, en excluant les commentaires individuels qui sont privés et uniquement visibles par la personne concernée. Evidemment, l’algorithme a été pensé pour que nos propres choix ne puissent pas influencer notre classement final. Il ne sert donc à rien de swiper tous ses collègues à gauche pour espérer gagner plus qu’eux.

Autre changement important : ce ne sont plus les salaires fixes qui sont réévalués en s’appuyant sur les résultats du classement. Désormais, ce sont les bonus individuels qui sont indexés sur ce classement.

Si cette pratique permet de récolter rapidement un feedback global et représentatif, elle ne suffit pas à traiter certains points en profondeur. Chaque collaborateur a donc un rendez-vous mensuel avec le « buddy » (mentor) qu’il s’est choisi en arrivant dans l’entreprise pour faire le point. La fréquence de ces rendez-vous est bien sûr modulable en fonction des besoins.