Moins parler pour mieux communiquer chez Basecamp

Écrit par Margaux Borel, le 25 mai 2019

En 2014, Jason Fried et David Heinemeier Hansson fondent Basecamp, une entreprise dont la majorité des collaborateurs travaillent aujourd’hui à distance. A l’image de leur produit, un outil de gestion de projet et de communication asynchrone, les fondateurs cherchent à mieux communiquer pour mieux employer leur temps.

En entreprise, on a souvent la croyance que si les gens discutent, s’affairent, entrent et sortent de réunion frénétiquement, alors ils travaillent bien. On voit de l’activité, c’est bon signe non ?

Mais la réalité est un peu plus compliquée que cela. C’est le constat qu’a fait il y a déjà plusieurs années Jason Fried, co-fondateur de 37signals, qui a donné naissance à Basecamp. Dans plusieurs de ses livres (Don't Rework, Remote, It doesn’t have to be crazy at work), il dénonce une épidémie de « sur-collaboration », de « sur-communication » au travail, qui fait perdre beaucoup d’efficacité aux collaborateurs.

Pourquoi « le travail n’arrive pas au travail »

Le « vrai » travail, travail productif, et surtout le travail créatif, est un travail assez solitaire, il requiert du calme et une période de temps ininterrompue pour se concentrer sans être dérangé. Certains évoquent le « Flow », cet état de concentration et de productivité maximale dont vous avez déjà certainement fait l’expérience. Cet état, il faut du temps pour l’atteindre, et si on

est interrompu, c’est un peu comme le sommeil, il faut recommencer de zéro pour le retrouver. Donc finalement, au travail, quand on est interrompu toutes les 15, 20 ou même 30 minutes et bien on ne travaille pas vraiment 8 heures par jour… Finalement, quand on veut vraiment être productif, on arrive plus tôt le matin quand il n’y a personne ou on reste plus tard le soir au bureau. Certains adorent travailler dans l’avion et ce n’est pas pour rien !

 

C’est en partie pour cela que les équipes de Basecamp sont distribuées. Ainsi, les collaborateurs ne perdent pas de temps dans les transports et ne sont pas interrompus, elles disposent de leur temps comme ils le souhaitent pour travailler au mieux. C’est aussi pourquoi Four Kitchens s’est débarrassé de ses bureaux (on vous en parle ici).

Se poser les bonnes questions avant de solliciter un collaborateur

Peut-être que nous n’avons pas besoin d’une réponse immédiate à notre question. Alors pourquoi ne pas essayer de communiquer de manière asynchrone et laisser à notre interlocuteur le choix du moment le plus souhaitable selon lui pour nous répondre ? La personne peut ainsi conserver toute son efficacité sur la tâche en cours et ensuite se concentrer pour répondre de la manière la plus appropriée à notre question.

Voici quelques questions à se poser avant de solliciter un collaborateur :
- La réponse à ma question ne peut-elle pas se trouver ailleurs ? (On ne parle pas d’un autre collaborateur à déranger bien sûr)
- Ai-je besoin d’une réponse immédiate à ma question ?
- La personne que je souhaite interroger n’a-t-elle pas déjà répondu à cette question avant ? (dans un échange de mail ou sur l’outil Basecamp par exemple)

Four hours of quiet time at the office is going to be incredibly valuable. - Jason Fried, fondateur de Basecamp

Les fonctionnalités de l’outil Basecamp reflètent la volonté de ses fondateurs de permettre une communication différente en proposant des alternatives à la communication directe. Par exemple, si un collaborateur souhaite en savoir plus sur l’avancement d’une équipe sur les tâches en cours, au lieu de les solliciter, il peut consulter la section « To Do » de l’équipe et voir quelles actions ont été ou vont être réalisées. La section « Automatic Check In » lui permet de savoir ce que chacun a fait dans la journée. Pour creuser certains sujets, il peut aussi consulter la section « Reference Materials » qui centralise tous les documents de référence de l’organisation. Et enfin, s’il n’a vraiment pas de réponse à sa question, il peut consulter l’agenda pour voir si la personne en question n’a pas prévu une « permanence ».

En effet, chez Basecamp, chacun affiche dans l’agenda Basecamp des plages horaires spécifiques auxquelles il ou elle est disponible pour répondre aux questions. En dehors de ces plages, les questions devront attendre que la personne ait choisi de se rendre disponible pour y répondre.

Ce n’est qu’après avoir vérifié tous ces éléments que le collaborateur en question peut envoyer un message, en ayant pris le temps de bien formuler sa question / demande et attendre un retour de sa part quand il jugera le moment opportun (et non immédiatement).

Garder en tête les règles d’une bibliothèque

Par conséquent, le siège de Basecamp à Chicago (une grande partie des équipes est distribuée aux quatre coins du globe, mais une bonne quinzaine de personnes profite des bureaux de Chicago au quotidien), c’est un peu comme une bibliothèque. Quand on entre dans une bibliothèque on sait se comporter, on est discret, on ne dérange pas les personnes autour de nous et si on souhaite discuter on utilise une salle prévue à cet effet pour ne pas déranger les autres. C’est exactement ce qui se passe dans les bureaux de Basecamp. Après tout, quoi de plus naturel que d’adopter chez soi les pratiques imaginées pour les autres ?

Et l’informel dans tout ça ?

Disposer de son temps comme on l’entend n’empêche pas de partager des moments conviviaux, chacun est libre de prendre du temps pour échanger avec ses collaborateurs il suffit juste de convenir avec eux d’un temps dédié. Et pour ce qui est des équipes à distance, ne croyez pas qu’elles ne font que travailler pendant 8h d’affilée. Nous avons tous besoin de moment de détente, mais c’est rarement le même moment pour tous. Une section est donc réservée sur Basecamp pour échanger de manière tout à fait informelle, partager des vidéos de chats ou des photos de son weekend à la plage. Libre à chacun de la consulter et de réagir quand il choisit de prendre un moment pour lui.

Un peu de silence c’est toujours ça de gagné

Si cela marche très bien pour son entreprise, Jason Fried est conscient que cela peut ne pas être applicable pour toutes les types d’organisations. Cependant, il propose à tous d’essayer de mettre en place ce genre de pratique ne serait-ce qu’un jour pas mois ou par semaine avec des « No-talk Tuesdays » pas exemple. C’est un bon moyen de tester cette approche et d’offrir à chacun un temps calme pour « vraiment » se concentrer ses tâches.

Et s’il arrive quelque chose d’urgent ? Bonne question ! Commencez peut-être par vous demander : est-ce que c’est si urgent que ça ? est-ce que ça ne peut pas attendre cet après-midi ou demain matin ? Vous verrez que finalement certaines choses « urgentes » ne le sont pas vraiment. Et si elles le sont vraiment, rien ne vous empêche d’appeler ou d’envoyer un message direct aux collaborateurs concernés, ils comprendront qu’ils sont dérangés pour une bonne raison et personne ne pourra vous en tenir rigueur, surtout si vous avez pris l’habitude de respecter leur temps au quotidien.

Vous êtes tentés par le « no-talk Tuesday » ? Partagez avec nous votre expérience !