Un orchestre qui ne se laisse pas mener à la baguette !

A la différence d’un ensemble de musique de chambre, qui laisse une grande liberté à ses musiciens, un orchestre est normalement mené par un chef d’orchestre qui décide des morceaux mais aussi de leur interprétation. L’une des conséquences de ce contrôle permanent est que les musiciens d’orchestre sont une classe peu heureuse au travail. Opposé à ce style d’organisation, l’orchestre Orpheus, fondé en 1972, a décidé de fonctionner différemment.

Orpheus : un leadership tournant au service de la qualité artistique

INFORMATION
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New York
Arts
32 musiciens permanents
orpheusnyc.org

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L’orchestre Orpheus expérimente d’abord un fonctionnement démocratique, dans lequel les trente musiciens peuvent proposer des morceaux et intervenir lors des répétitions. Ce modèle ne marche pas longtemps : chaque musicien veut essayer sa solution, ce qui rend les répétitions longues et chaotiques… Certes, l’orchestre est plus créatif, mais il n’est pas économiquement viable. Très vite, il n’a tout simplement plus les moyens de financer ces répétitions peu productives.

Pour trouver le bon équilibre entre fonctionnement démocratique et pérennité financière, les musiciens mettent en place une rotation du leadership.

 

J’adorais la souplesse et la clarté de la musique de chambre. Je voulais conserver cette camaraderie et cet état d’esprit dans un groupe plus large. Et pour que chacun puisse communiquer de manière efficace, il semblait nécessaire de ne pas avoir de chef d’orchestre.

Julian Fifer, fondateur de l'orchestre Orpheus

 

La solution ? A un nouveau morceau, un nouveau leader ! Pour chaque nouveau morceau joué, un comité de membres de l’orchestre (lui-même nommé par l’ensemble des musiciens) désigne un groupe de 5 à 10 musiciens pour faire partie du « noyau dur » (ou core group). Chaque membre de ce core group représente une section (violoncelles, haut-bois…). Le rôle de ce groupe est de fournir le cadre artistique, de développer l’interprétation et de conduire les répétitions. Au sein de ce core group, un musicien est élu pour être le concermaster : c’est lui qui a la responsabilité finale de négocier et expliquer la vision du core group à tous les musiciens pendant les répétitions. Il est généralement choisi pour des compétences bien spécifiques : un expert du baroque peut être désigné concertmaster pour une pièce de Handel, par exemple. Le concertmaster n’impose pas sa vision mais représente le core group qui a été désigné pour trouver et partager un consensus.

Les membres du core group répètent d’abord entre eux le morceau pour établir le cadre artistique. Une fois qu’ils sont d’accord, ils le communiquent au reste de l’orchestre lors des répétitions traditionnelles. Les musiciens gardent bien entendu la possibilité d’exprimer leurs désaccords ! Et lorsque le consensus tarde à être établi et que le temps presse, la question est tranchée par un vote.

Une certaine culture de l’échange est nécessaire au bon déroulement de ces répétitions. A la différence d’un orchestre classique, où chaque musicien se concentre uniquement sur sa performance individuelle, les musiciens d’Orpheus portent aussi une grande attention à celles de leurs collègues. Un violoniste peut ainsi commenter l’interprétation d’un flutiste si cela lui parait approprié. Cela requiert de grandes qualités d’écoute. Même si l’on encourage chaque musicien à participer activement au processus de création artistique, toutes les idées ne peuvent pas être intégrées. Les musiciens doivent donc accepter qu’une idée proposée puisse ne pas être retenue.

Le principe de rotation s’applique aussi au placement des musiciens : changer de place permet à chacun d’être à la fois leader et suiveur au cours d’un même concert. De là à parler de chaise musicale, il n’y a qu’un pas. Et figurez-vous que la gouvernance n’y échappe pas non plus : une structure administrative participative a été créée. Celle-ci comprend notamment trois directeurs artistiques qui sont eux aussi soumis à la rotation : les musiciens qu’ils représentent tournent régulièrement.

Quel est le résultat de ce nouveau fonctionnement ? Le turnover est très faible et sa qualité artistique lui a valu un Grammy award ainsi qu’une excellente réputation. Toutefois, il y a un coût financier sur le court terme : les frais de répétition restent plus importants que pour un orchestre classique.

 

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Key takeaways

• Exige de renoncer aux bénéfices court terme pour favoriser des bénéfices long terme

• La création d’un environnement sécurisé permet aux musiciens de prendre davantage de liberté artistique

• Très grande importance des caractéristiques personnelles des musiciens (courtoisie, capacité d’écoute, volonté de prendre des initiatives, responsabilité, ouverture à accepter des alternatives…) pour se sentir à l’aise dans ce type d’organisation

• Risque d’inconfort ou de détresse pour certains musiciens lors des répétitions face au temps nécessaire qu’il faut pour atteindre certains compromis.

Contributors

Cet article est le fruit de plusieurs têtes curieuses d'ANEO !
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